Old Boy

Publié le par Laurent

undefinedRéalisateur : Park Chan Wook
Cast : Choi Min-Sik, Yo Ji-Tae, Kang Hye-Jeong, Ji Dae-Hang, Oh Dal-Su
Durée : 120 min
Origine : Corée du Sud
Année : 2003
Genre : Vengeance, qui es tu?
 

Après un Sympathy for Mr vengeance mémorable, voici la seconde œuvre de Park Chan Wook sur son thème favori : la vengeance. A part ce sujet principal, Old Boy ne ressemble pas à son petit frère, ni à n’importe quel autre d’ailleurs ! Qui mieux que Oh Dae Su, héros avide de vengeance du film, peut nous parler de ce conte macabre !

 

« 15 ans, putain, 15 années de merde à vivre comme un chien en cage, comme un prisonnier dans sa tour de Babel ! Pourquoi toute cette mascarade autour de ma personne, pourquoi cet enlèvement au détour d’une cabine téléphonique, pourquoi moi ? Moi, Oh Dae Sue, simple employé et père de famille imparfait! Puis pourquoi ce jour ci, le jour de l’anniversaire de ma fille ? Bon, c’est vrai que j’ai tendance à trop boire, quitte à atterrir au commissariat et rendre fou ces putains de ripoux (photo 1 : ou suis-je)! 15 ans d’enfermement pour quelques verres de trop, il ne faut pas déconner ! M’enfin, je comprenais rien au début, d’ailleurs, pendant ces longues années d’étouffement, j’avais toujours rien compris à tout ça»1-copie-2.JPG « On change en 15 ans d’isolement, croyez moi ! Je pense quand même avoir su garder ma tête froide malgré quelques tentatives de suicides. Néanmoins, c’est surtout au bout de quelques années que ma haine commençait à prendre le pas sur mon impuissance ! Au bout de quelques années d’introspection douloureuse, recherchant ainsi désespérément le pourquoi de mon enlèvement, je compris qu’un homme ordinaire comme moi, ni vraiment bon, ni foncièrement mauvais, ne méritait en aucun cas ce châtiment ! Je me suis dès lors promis de me venger de ceux qui m’ont enfermé ici, et avec les années qui passaient, cette vengeance ne faisait que s’amplifier ! Ris, tout le monde rira avec toi, Pleure, tu seras seul à pleurer, tels sont les citations de ce tableau que je regardais de temps en temps (photo 2, diabolique diablotin de ma chambre), avant de me faire endormir par ce satané gaz ! Puis je me réveillai l’air de rien, cheveux coupés, corps lavé, c’est dingue mais on me maintient en vie, on s’occupe de moi ! Quel mal j’ai donné au monde pour que l’on me garde en vie dans cette cellule ! Puis on me drogue et je me sens ainsi envahit d’un autre soi parfois, même si je ne suis jamais devenu schizophrène au fil de ces 15 ans, une prouesse (photo 3) ! »2-copie-2.JPG« Puis heureusement qu’il y avait ce téléviseur, mon seul ami, ma seule amie aussi, quitte à se satisfaire à un moment donné, besoin somme tout naturel d’un humain lambda. Ce téléviseur me permettait donc de voir évoluer le monde à défaut de me voir évoluer ! D’ailleurs, c’est grâce à lui que j’ai découvert que j’étais le meurtrier présumé de ma femme! Ils ont pris la vie de ma femme ces enfoirés, et je n’ai jamais su ce qu’est devenue ma fille, disparue tout simplement de la circulation! Mais j’ai appris à dédramatiser, je me déshumanise en fin de compte, ce statut de rat de laboratoire me transformant en animal en proie à la vengeance ! En tout cas, c’est dingue tout de ce que l’on peut apprendre en regardant la télévision, j’ai ainsi appris à boxer grâce aux retransmissions de combats que je ne loupais plus…M’enfin, ça m’a aidé à supporter cette longue punition, à supporter ces repas composés des mêmes raviolis chaque jour, puis à me supporter moi-même ! »3-copie-2.JPG« Au bout de tant d’année de souffrance, j’ai décidé de me tatouer des traits sur mon avant bras, chaque trait correspondant à une année passée dans cette pièce. Plus mon bras s’assombrissait, plus ma vengeance grandissait, ce tatouage étant le reflet de ma haine envers mes ravisseurs! Grâce à une baguette donnée en trop lors d’un repas, j’ai pu me creuser un trou jusqu’à l’extérieur ! Ce fût long, des années même, mais j’ai réussi ! Sentir cette pluie sur ma main fût d’un libérateur, et même si le trou ne pouvait accueillir que mon bras, l’espoir me fût d’un bénéfique. La musique devenue si commune à son écoute revenait me hanter tout d’un coup, et le plaisir de sentir cette pluie caresser ma main prit fin brusquement, le gaz s’octroyant petit à petit la pièce à la place de l’air ambiant. Après avoir caché le trou avec mon lit et m’être recroquevillé dessus, je commençais à m’effondrer doucement, la musique me berçant tel un bébé dans son berceau, et je me mis à rêver de liberté pendant qu’une étrange sensation de fraîcheur m’envahissait ! »« C’est après une transition sublime suivant un léger travelling que je me réveille dans une malle à même le toit d’un  immeuble rempli de gazon (photo 4)! Et oui, j’étais dans une malle ! Ainsi, tel un bébé en position fœtale sortant du tunnel de la vie, telle une rose s’ouvrant au soleil, j’ouvris cette malle de toute ma force pour éclore, pour revivre ! Mon ravisseur m’offrait une seconde naissance, 15 ans pile poil depuis le jour de mon enlèvement. Le réalisateur n’a pourtant mis que 15 minutes à résumer ces années de souffrance et de solitude, à rendre cette espace si étroit, puis tu y as cru à ma souffrance, tu as compris mon calvaire ! Park Chan Wook n’est pas dupe, et son but reste tout autre, à savoir vous montrer, vous spectateur que la vengeance peut en cacher une autre !  Si j’avais su à l’avance quel était mon destin, je pense sincèrement que je serais resté quelques décennies en plus dans ce trou à rat ! »4-copie-2.JPG5-copie-3.JPG« Je connais cet endroit, 15 ans et les lieux me sont encore si familier ! Je suis en effet à une centaine de mètres de la place où je me suis fais enlever ! Puis je suis pas tout seul sur le toit, qu’est ce qui fout là ce type ? Hors de question qu’il saute, il faut que je me libère et que je lui raconte mon histoire ! Alors bon, Park Chan Wook me fait prendre des poses pas possibles afin de pondre quelques plans de toute beauté (photo 5), comme lorsque je tiens le gugusse à l’aide d’un parapluie en face d’un vide qui donne le vertige. M’enfin bref, je lui raconte mon histoire puis je me casse, le laissant faire ce qu’il veut ! Je vais tout de même pas, en plus de tout ce poids accumulé pendant 15 ans, me prendre dans la tronche les raisons de son envie de suicide! »6-copie-2.JPG« 15 ans sans présence féminine laisse des séquelles, comme en témoignera cette femme qui m’a pris au dépourvu dans un ascenseur (photo 6, complètement gaga)! M’enfin, je suis dehors, l’air est bon, le corps de l’autre suicidaire et maintenant suicidé à beau tomber à quelques mètres de moi, je  n’ai pas compati, jamais plus d’ailleurs, on m’a laissé dans la merde, le monde se foutait de moi, alors j’emmerde le monde ! D’ailleurs, je n’ai pas attendu longtemps pour mettre à contribution mon entraînement physique durant ces 15 ans, et c’est une bande de jeune me traitant de pin d’oiseau qui en a eu les frais. Ce fût rapide, net et sans bavure et tel un cow boy avec son cigare, je les ai tous flingué de mon poing un par un. Mais je ne vais tout de même pas vous raconter toutes mes aventures, ça ne serait pas drôle pour vous, mais sachez que je n’étais pas au bout de mes peines, ces 15 ans n’étant que le début de mon calvaire! »7-copie-2.JPG« Ce film raconte ma vie, mais le réalisateur a préféré mettre en image ma vengeance, ma quête de vérité, à savoir le pourquoi de mon enfermement ! Et pour comprendre, j’ai dû passer par de nombreux danger, à savoir manger un poulpe vivant (c’est bon ces trucs là : photo 7), me battre contre des dizaines d’opposants dans un couloir d’immeuble insalubre, un long travelling en plan séquence d’une fabuleuse ingéniosité. J’ai même du encore poser avec un marteau cette fois avant d’en défaire avec la racaille de l’immeuble (photo 8 : la jackpot !)! J’ai aussi fait passer quelques tortures à certains qui ne se dérangeaient pas pour me refaire la même chose quelques temps plus tard. Mais je n’ai pas connu que la violence, j’ai aussi connu Kang Hye-Jeong, une jeune fille dont je suis tombé amoureux rapidement, trop rapidement (photo 9, les cheveux ébouriffés)! Mais le pire, c’est que je l’ai entraîné malgré moi dans cette quête de vérité, et elle en a subi malheureusement quelques conséquences irréversibles. Putain de vie quand même… »8-copie-2.JPG9-copie-1.JPG« Le pire n’était pas derrière moi, et le véritable fautif et commanditaire de toute cette histoire n’a pas tardé à se montrer pour me rendre la monnaie de la pièce (photo 10, sous la douche !)! Il parait que Oh Dae Su parle trop, mais qu’est ce qu’il raconte ce type! Toujours souriant de prime abord, me prenant pour son pantin articulé, décontracté à la limite du supportable, il se croit maître de l’univers, et sa passion première, c’est moi ! D’ailleurs, son jeu, au-delà de me faire souffrir, est de me faire comprendre le pourquoi de mon enlèvement, m’enfin le pourquoi de ma libération plutôt ! Ainsi, jusqu’à l’effroyable vérité qui explosera vos pensées les plus profondes comme elle a explosé la mienne, j’ai été de mon plein gré sans le savoir vers le piège qu’il m’a posé, mon destin m’ayant été substitué depuis le jour même de mon enlèvement! Cette tension grandissante au fil de mon aventure est de plus superbement retranscrite par Park Chan Wook, ce dernier n’hésitant pas à brouiller les pistes, à interroger le subconscient du pauvre cinéphile qui prendra plaisir à me regarder souffrir. Puis le pire avec tout ça, c’est que cette histoire atteint un niveau rarement atteint dans le morbide, dans le choquant, dans le tabou même ! Personne ne peut ressortir indemne d’un tel électrochoc, même vous, vous en subirez les faits, et des esprits dérangés se révèleront peut être à vos yeux qui sait … »10-copie-1.JPG11.JPG« Park Chan Wook confirme avec la mise en image de mon histoire tout son talent de réalisateur. Il a ainsi crée une ambiance unique de par ses images recherchées et parfois irréalistes, comme pour exemple celles placées par ci par là durant le long métrage. On peut citer l’image figée de la préparation du coup de marteau, avec le tracé de sa trajectoire pour atteindre le jackpot (revoir photo 8)! Tout est beauté dans ce monde morbide, la photographie est magnifique, tout comme la mise en scène qui se permet de nous en mettre plein la vue lors de certaines séquences ! Ainsi, en plus du long travelling dans le couloir ayant iconisé le film de bien belle façon (photo 11), je mettrai plutôt en avant ce jeu de chat et de la souris entre le passé, donc moi en fin d’adolescence, et le présent. Je me poursuis ainsi moi-même dans mon ancienne fac, je vois mon jeune double s’éloigner devant mes yeux, je suis en contact direct avec mon passé et à la recherche du souvenir même qui m’a condamné à cette vie ! Le réalisateur arrive ainsi à mêler deux époques différentes par quelques mouvements de caméra vraiment judicieux, l’illusion en est parfaite (photo 12, avec mon passé au dessus de ma tête)! Park Chan Wook a certainement créé une des représentations les plus concrètes de ce qui se passe lors d’une hypnose, donc d’une recherche d’un passé enfoui dans l’inconscient! Sacré gugusse ce gars là quand même ! »12.JPG« Aurais-je oublié de vous parler du fabuleux score du film, cette musique tantôt percutante, tantôt énigmatique ! Elle permet ainsi d’instaurer une ambiance fabuleuse à la limite du surnaturel sans jamais l’atteindre, une ambiance unique qui accentue d’une certaine façon mes états d’âmes ! Puis je n’oublierai pas aussi certains seconds couteaux tel que ce garde du corps blond et surpuissant qui ne parle jamais et qui dégage une aura bien spéciale (photo 13, face au vide)! Mon aventure est donc unique, mais je trouve que Park Chan Wook s’amuse un peu trop à vous faire traîner en longueur sur la fin, puis cette violence s’abatant sur ma personne, j’ai pas supporté ça sur la longueur je dois bien vous l’avouer (photo 14, en plein calvaire) ! Je chipote hein, vu la quasi parfaite adéquation que Park à créer tout au long du métrage, mais le fait de vouloir trop en rajouter sur la fin reste tout de même en travers de ma gorge, de ma langue même! »13.JPG14.JPGPark Chan Wook a ainsi réalisé un film magistral, tant au niveau technique que artistique ! Il a d’ailleurs reçu le prix spécial du jury du festival de Cannes en 2004. Puis n’oublions surtout pas Choi Min Sink qui habite ce film, il le vie et au-delà même d’un destin meurtri, il nous propose aussi le portrait d’un homme qui ne cesse de se détruire pour décrocher la vérité ! Cette quête de toute une vie est ainsi nôtre, et de souvenirs, ce film est certainement l’un des plus mémorable, des plus osées et des plus maîtrisées du 7ème art. Merci ! 

Note : 9,5/10

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